Publié le 19 juillet 2024.
Virginie Magnant, directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) depuis 2019, quitte son poste et rejoint l’Inspection générale de l’administration. –
Directrice de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) depuis mai 2019, Virginie Magnant passera la main, début septembre, à Maëlig Le Bayon. Elle revient sur ces cinq années décisives qui ont vu naître la branche autonomie.
Pourquoi quittez-vous la CNSA, que vous dirigez depuis le 2 mai 2019 ?
Virginie Magnant Historiquement les directeurs et directrices de la CNSA étaient nommés pour trois ans. En 2021, la création de la branche autonomie était toute récente et nous étions au début de la négociation de la convention d’objectifs et de gestion (COG) avec l’État, qui devait donner le cap de cette instance. J’ai donc souhaité pouvoir poursuivre cette mission et eu l’honneur d’être prolongée dans mon poste, cette fois sans durée spécifique comme les autres directeurs de caisses de sécurité sociale.
Aujourd’hui, le calendrier s’est accéléré dans le contexte politique global et le gouvernement a choisi de nommer Maëlig Le Bayon [voir encadré] à un moment compatible avec un changement de direction. Il aura en effet le temps d’intégrer les enjeux avant le début de la négociation de la prochaine COG fin 2025. Le passage de témoin peut donc se faire en toute sécurité.
Et où allez-vous ?
V. M. Je vais rejoindre l’inspection générale de l’administration (IGA), rattachée au ministère de l’Intérieur dont je suis issue, et où je mettrai à profit mon expérience auprès des collectivités locales.
Quel bilan tirez-vous de ces cinq années ?
V. M. D’abord, la CNSA que je quitte est radicalement différente de celle que j’ai rejointe en 2019. De par son statut, son périmètre financier, sa taille en termes d’effectifs, et aussi du fait des attentes qu’elle suscite pour accompagner la transition démographique à venir.
Rappelons qu’à travers cette branche et la création d’un nouveau risque de sécurité sociale [via deux lois d’août 2020 et la LFSS pour 2021 NDLR], la nation garantit le caractère universel et solidaire du soutien à l’autonomie. Ainsi, la CNSA qui gère cette branche a la responsabilité de veiller à ce que, quel que soit le degré de dépendance de la personne ou son handicap, les moyens de la solidarité nationale visent à rendre possible son autonomie et sa citoyenneté.
La négociation avec l’État de la convention d’objectifs et de gestion (COG) 2022-2026 a-t-elle été compliquée ?
V. M. Non, mais elle a été exigeante, car il a fallu la négocier en seulement quelques mois avec un sentiment d’urgence : la loi avait créé la branche autonomie et il fallait lui donner une consistance, au risque de se retrouver avec une coquille vide.
L’ensemble des parties prenantes – État, membres du Conseil de la CNSA, équipes de la caisse – étaient alignées, ce qui nous a permis d’avancer rapidement sur le fond, à travers la rédaction du préambule de la COG qui fixe l’ambition de la caisse, et la détermination d’objectifs concrets pour les personnes, les professionnels et l’offre des établissements et services ; mais aussi sur la forme, avec notamment les questions de ressources humaines ou de systèmes d’information.
Comment se traduit la mise en œuvre de cette COG sur le terrain ?
V. M. La Caisse nationale est désormais opérationnelle, ses équipes sont au complet et en ordre de marche pour déployer tous les volets de cette convention, qu’il s’agisse de la création du service public départemental de l’autonomie, de l’outillage des MDPH [maison départementale des personnes handicapées] ou de l’appui au développement et à la transformation de l’offre…
Pour autant, la promesse de la branche ne sera effective que si nous travaillons en étroite collaboration avec les agences régionales de santé (ARS) et les conseils départementaux. Notre enjeu est qu’ils agissent main dans la main pour structurer les parcours des personnes. De ce point de vue, la coopération est un sport de combat !
C’est-à-dire ?
V. M. Se mettre d’accord sur les objectifs et les moyens ne relève pas de la magie mais d’un travail quotidien. Les acteurs territoriaux de la branche ont en effet des gouvernances distinctes de celle de la CNSA. Car, contrairement à d’autres caisses, la CNSA ne s’appuie pas sur un réseau de caisses locales. En outre, les départements comme les ARS ont des compétences plus larges que les politiques de l’autonomie.
Pour faciliter les échanges, nous avons fixé un cadre de coopération qui se traduit notamment par des rencontres territoriales rassemblant la caisse, les conseils départementaux, l’ARS, les MDPH. Ces réunions vont permettre de co-construire des feuilles de route à horizon 2028 dans lesquelles les acteurs fixeront leurs objectifs en matière d’offres de services, en fonction des besoins locaux. L’enjeu est ici de combiner la territorialisation des réponses et l’équité, sans aller vers l’uniformisation.
N’est-il pas difficile de travailler avec les départements en raison de leurs problèmes budgétaires ?
V. M. Ce n’est pas la branche qui pourra répondre aux difficultés financières des départements mais il importe que les financements de la caisse puissent soutenir les conseils départementaux dans l’exercice de leurs responsabilités en matière d’autonomie. Et que l’État, dans la manière dont il oriente l’action de la CNSA et dont il dialogue avec les départements, vienne en appui de cet espace de co-construction, notamment via une trajectoire financière partagée.
L’une des critiques formulées à l’encontre de la politique de l’autonomie est d’avoir créé une branche sans lui attribuer les moyens nécessaires, souscrivez-vous à cette remarque ?
V. M. À court terme, la branche autonomie est excédentaire puisqu’elle perçoit une part supplémentaire de CSG, comme le prévoit la loi. Ces ressources nouvelles vont permettre d’augmenter la capacité de soigner les personnes âgées à domicile, de renforcer le taux d’encadrement dans les Ehpad ou encore de créer les 50 000 solutions dans le champ du handicap.
Cela suffira-t-il à faire face au défi démographique à l’horizon 2030, puis 2040 ? Nous savons que l’offre va nécessiter des ressources plus importantes. Le principe d’une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge, souhaitée par le Conseil de la CNSA, a d’ailleurs été inscrit dans la loi « bien vieillir ».
Reste que la question du grand âge a été peu présente dans la campagne des élections européennes, puis celle des législatives. Comment interprétez-vous ce silence ?
V. M. Je constate que persiste, dans notre culture, une forme de discrimination liée à l’âge.
Pour autant, dans cette séquence politique, plusieurs sujets comme ceux de l’accès à la santé, des déserts médicaux, ont été largement évoqués. Or, ces thèmes recouvrent aussi les ressources médico-sociales, même si le grand public ne l’évoque pas comme tel.
De même, les questions de pouvoir d’achat et de soutien aux travailleurs modestes font écho aux difficultés des professionnels du secteur social et médico-social. Les enjeux d’attractivité des métiers sont donc très présents dans les débats politiques actuels, même s’ils ne sont pas exprimés avec notre vocabulaire technique. Et ils vont rester prioritaires quel que soit le gouvernement.
Maëlig Le Bayon, nouveau directeur de la CNSA
Bien connu des acteurs du secteur médico-social au niveau national, Maëlig Le Bayon, diplômé de l’École nationale d’administration (ENA) en 2018, va succéder à Virginie Magnant à la direction de la CNSA, le 2 septembre.
Jusqu’à présent directeur de cabinet de la ministre délégué chargée des Personnes âgées et Handicapées, Fadila Khattabi, il avait aussi été le directeur de cabinet de Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée des Personnes handicapées, de juillet 2022 à juillet 2023.
Auparavant, il avait également œuvré auprès de Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées, d’abord en qualité de conseiller budgétaire chargé de la branche autonomie, puis comme directeur adjoint de cabinet.
Entre 2019 et 2021, il était adjoint au chef du bureau de la programmation et du pilotage budgétaire à la direction des affaires financières du ministère des Armées, puis chef du bureau de l’exécution budgétaire au sein de cette même direction.
À lire également :
- Handicap : 33,5 M € en 2024 pour accompagner l’offre médico-sociale
- Olivier Paul devient directeur du financement de l’offre à la CNSA
- Stéphane Corbin : « L’envie d’un retour sur le terrain »
NoémieCOLOMB
Sources